Vice caché

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Bonsoir à tous, 

Voici ma "petite" histoire. J'ai acheté ma Suzuki GSR 750 mi-juillet 2019. Arrivant gentillement à 31'000km et l'hiver arrivant, je décide d'aller en garage histoire de voir ce qu'il y aurait éventuellement à faire.

Et là, grosse surprise, après vérification et essai routier par un des mécaniciens. On me dit que la direction est légèrement tordue et le sélecteur aussi, et que cela est sûrement dû à une ancienne chute (je n'ai jamais chuté ni eu aucun accident ou quoique ce soit avec la moto, je la roule tous les jours pour aller au travail et je n'ai jamsie u de problèmes jusqu'à présent) et que les clignotants ne passent pas le contrôle technique.

Le responsable m'indique également qu'il lui semble avoir déjà vu cette moto et qu'elle a été accidentée, je vais aller demain regarder avec la police afin de vérifier si cette information serait vrai.

Sur un ancien sondage un des membres (Duralex) a mentionné ceci :

"Un défaut est quelque chose qui, matériellement ou juridiquement, enlève à la chose soit sa valeur, soit son utilité prévue, ou qui les diminue dans une notable mesure (art. 197 al. 1 CO). Dans le cas présent, la bosse initiale a été par hypothèse correctement réparée mais cette réparation rend impossible une seconde réparation du même type. Si la réparation coûte à peu de chose près la même chose qu'un réservoir neuf, la première réparation ne constitue pas un défaut. Il faudrait que la différence soit "notable" pour que l'on discute (défaut "économique", comme un nombre de km réels plus élevé que le compteur). Un défaut peut aussi être l'absence d'une qualité promise : s'il est stipulé dans le contrat que la moto est "non accidentée", alors il y a un défaut.

En matière de garantie, il faut d'abord et avant tout voir ce qui est prévu dans le contrat de vente au chapitre "garantie" ou au niveau renvoi à des conditions générales. S'il est simplement écrit garantie trois mois, il y a renvoi au système du code des obligations.

Dans une telle situation, en cas de défaut, l'acheteur a le droit (art. 205 CO) soit de résilier la vente, soit de demander une réduction de prix correspondant à la moins-value. Si la moins-value est égale ou plus grande que le prix d'achat, seule la résiliation entre en ligne de compte (restitution de la moto contre restitution du prix de vente + intérêts + autre dommage éventuel - indemnité équitable pour l'usage de la chose par l'acheteur, 208 CO).

En vertu du CO, l'acheteur n'a pas droit à la réparation; le vendeur peut toujours tenter de la proposer en vue d'un accord amiable; souvent, les conditions générales prévoient justement un droit du vendeur à la réparation; la question se pose alors de savoir combien de fois la chose doit-elle être [mal] réparée avant que l'acheteur, excédé, ne soit en droit de résilier le contrat.

ATTENTION : l'acheteur qui veut exercer son droit à la garantie doit impérativement faire au vendeur un avis des défauts (art. 201 CO; avis écrit pour la preuve) immédiatement dès la découverte du défaut. Le droit à la garantie se prescrit par un an dès la livraison (art. 210 CO); pour le sauvegarder, il faut ouvrir action au Tribunal et non seulement écrire un recommandé fâché au vendeur. Ici, le délai d'un an est réduit à trois mois.
Le défaut dont le vendeur répond est le défaut présent au moment de la livraison (même s'il n'est découvert que plus tard). Le respect du délai de trois mois (très court) ne se fait pas simplement en envoyant un recommandé au vendeur : il faut véritablement ouvrir action auprès d'un tribunal. 

Juste encore 2 - 3 notions de droit suisse au passage : 

- le vendeur répond d'un défaut même s'il en ignorait l'existence (à moins d'une clause d'exclusion de garantie). Par contre, si le vendeur ignore l'existence du défaut (et sa bonne foi est présumée), il ne peut pas y avoir "dol" du vendeur et donc exclusion d'une limitation de garantie. Dans le cas présent, il n'y a pas d'exclusion de garantie, mais une simple réduction de sa durée. L'avis des défauts doit être immédiat dès la découverte et l'ouverture d'action judiciaire (ou le commandement de payer, ou la signature d'une déclaration de renonciation à la prescription) doit ici avoir lieu dans les trois mois dès l'achat (sauf en cas de dol du vendeur, art. 203 et 210 al. 3 CO).

- un défaut "caché" est une notion qui se réfère à l'article 201 al. 2 CO; on ne veut pas dire "caché par un vendeur malhonnête" : il s'agit simplement d'un défaut qu'il n'est pas possible de découvrir au moment de la livraison à l'aide des vérifications usuelles. Pour un défaut "caché", l'acheteur doit procéder à l'avis dès qu'il découvre le défaut, c'est à dire qu'il peut le faire quelques mois après la livraison, sans qu'on puisse lui dire qu'il a implicitement accepté le défaut et donc renoncé à sa garantie. S'il y a une clause d'exclusion des défauts, elle vaut aussi pour un "défaut caché". De même, le délai d'un an dès la livraison n'est pas plus long pour un "défaut caché". Ici, le délai est contractuellement réduit à trois mois.

- un défaut caché volontairement par un vendeur malhonnête dans le but d'induire l'acheteur en erreur est un autre problème, traité aux articles 199 et 203 CO. Il y a "dol" du vendeur. Une exclusion contractuelle de garantie est alors nulle (art. 199 CO) et le vendeur ne peut pas invoquer une éventuelle tardiveté de l'avis des défauts (art. 203 CO) ou invoquer la prescription du droit à la garantie (art. 210 al. 3 CO). 

- une mention "sans garantie" sur la facture est une preuve suffisante (on peut toujours essayer de discuter) d'un accord entre les parties portant sur une exclusion contractuelle de toute garantie, cas de dol réservé. 

- la distinction entre "défaut caché" et "dol du vendeur" est souvent difficile à tracer et à prouver. Si le vendeur sait que l'embrayage est fichu mais ne le dit pas à un acheteur inexpérimenté, il n'y a pas dol. S'il affirme que l'embrayage vient d'être refait, il y a dol (mais pas encore "escroquerie" au sens pénal, faute de procédé "astucieux"). Si la moto a été accidentée et réparée, que le vendeur ne le dit pas et que l'acheteur ne demande rien, il n'y a pas dol (cette question pourrait à la limite se discuter, en fonction de l'expérience respective des parties et de l'importance économique du défaut par rapport au but du contrat; pour une bosse du réservoir bien réparée, il n'y a à mon sens clairement pas dol); si le vendeur ment (pas d'accident), il y a dol... d'où l'importance de poser des questions et de noter les réponses sur le contrat (p. ex. non accidentée ou "le vendeur n'a pas connaissance de défauts autres que ..."), même si la moto est vendue "sans garantie"."

Selon vous, peut-on qualifier cela de vice-caché et quels sont mes droits ? Le vendeur n'a jamais fait aucune mention de ces éléments et aucun d'eux n'est précisé sur le contrat de vente. J'ai un ami à moi qui a essayé la moto et qui était présent lors de son achat, il est donc témoin de mes propos, lors de l'essai il n'a pas percu ces éléments car ils sont, je pense, seulement perceptibles par des spécialistes car très légers. 

Tu as trouvé mon résumé complet et vulgarisé de la garantie en matière de défauts de la chose vendue... il est toujours d'actualité en Suisse en 2020.

Dans ton cas, oui c'est un défaut : à mon humble avis, une chute qui fausse la direction ce n'est pas de l'usure normale d'une occasion.

L'art. 200 CO précise encore que le vendeur ne répond pas des défauts que l'acheteur connaissait au moment de la vente (al. 1) et ne répond pas non plus des défauts dont l'acheteur aurait dû s'apercevoir lui-même en examinant la chose avec une attention suffisante, sauf s'il lui a affirmé qu'ils n'existaient pas (al. 2). Ici, ton défaut est probablement un "défaut caché" s'il n'est pas immédiatement perceptible par un utilisateur moyen au moyen d'une vérification normale, mais seulement par un pro, donc tu peux faire un avis après la livraison, même plusieurs mois après, mais "immédiatement" quand tu découvres le défaut. Vu que ton message date de novembre et que le délai d'avis "immédiat" est de l'ordre de 24 - 48 heures, c'est a priori mort si tu ne l'as pas déjà fait. Mais si le défaut a été dolosivement caché, le vendeur ne peut pas invoquer une éventuelle tardiveté de l'avis des défauts (art. 203 CO).

Dans ton cas, est-ce un défaut "dolosivement" (= de manière malhonnête) caché ? plus délicat à dire; il est clair que le vendeur n'a pas mis un coup de peinture pour cacher volontairement le truc tordu. Mais la dissimulation frauduleuse peut aussi consister à simplement taire un fait tel que l'absence d'une qualité prévue de la chose vendue, dont la connaissance aurait conduit l'acheteur à ne pas conclure le contrat, ou à le conclure à des conditions différentes de celles convenues (cf. ATF 132 II 161 consid. 4.1 p. 166; arrêt 4C.16/2005 du 13 juillet 2005 consid. 1.5). Cela me semble assez clair pour une direction faussée... La dissimulation doit être intentionnelle; le dol éventuel suffit. Le vendeur doit omettre consciemment de communiquer un défaut à l'acheteur tout en sachant qu'il s'agit d'un élément important pour ce dernier (arrêt 4A_301/2010 du 7 septembre 2010 consid. 3.2, in SJ 2011 I p. 17; Franco Pedrazzini, La dissimulation des défauts dans les contrats de vente et d'entreprise, 1992, no 520 ss). Donc si ton vendeur avait lui-même acheté le vhc dans cet état et ne s'est pas rendu compte du problème, il ne t'a pas caché volontairement un défaut par omission et sa bonne foi - présumée - va le protéger. La "dissimulation frauduleuse" au sens de l'art. 199 CO couvre des comportements de dol, de tromperie intentionnelle (arrêt 4A_301/2010 du 7 septembre 2010 consid. 3.2, in SJ 2011 I 17; cf. ATF 81 II 138 consid. 3 p. 141; Venturi / Zen-Ruffinen, op. cit., n° 3 ad art. 199 CO; Franco PEDRAZZINI, La dissimulation des défauts, 1992, n° 40 ss, spéc. n° 85 s. et n° 486 ss; Giger, op. cit., n° 30 s. ad art. 199 CO). Elle est notamment réalisée lorsque le vendeur omet d'aviser son cocontractant d'un défaut alors qu'il a une obligation de renseigner, laquelle peut découler des règles de la bonne foi. Savoir s'il existe un devoir d'informer dépend des circonstances du cas concret. Le vendeur est tenu de détromper l'acheteur lorsqu'il sait - ou devrait savoir - que celui-ci est dans l'erreur sur les qualités de l'objet (Pedrazzini, op. cit., n° 438; Hans Merz, in Berner Kommentar, 1962, n° 271 ad art. 2 CC), ou lorsqu'il s'agit d'un défaut (notamment caché) auquel l'acheteur ne peut de bonne foi pas s'attendre, et qui revêt de l'importance pour celui-ci (cf. ATF 131 III 145 consid. 8.1; 66 II 132 consid. 6 p. 140; Pedrazzini, op. cit., n° 438; Giger, op. cit., nos 42 et 44 ad art. 199 CO). Le vendeur est dispensé d'informer l'acheteur lorsqu'il peut de bonne foi partir du principe que l'acheteur va s'informer lui-même, qu'il va découvrir le défaut sans autre, sans difficultés ( "ohne weiteres", selon l'expression de Giger, op. cit., n° 43 ad art. 199 CO, cité à l'ATF 116 II 431 consid. 3a p. 434; arrêt 4A_70/2011 du 12 avril 2011 consid. 4.1, in RNRF 2012 300; arrêt 4C.16/2005 du 13 juillet 2005 consid. 2.1, in RNRF 2007 281; Pedrazzini, op. cit., n° 440; Thomas LÖRTSCHER, Vertragliche Haftungsbeschränkungen im schweizerischen Kaufrecht, 1977, p. 139 s.). La dissimulation doit être intentionnelle; le dol éventuel suffit (arrêt précité 4A_301/2010 consid. 3.2; arrêt C.294/1986 du 10 décembre 1986 consid. 2b, in SJ 1987 177).
Donc :
1. voir si le contrat contient une clause d'exclusion de garantie (genre "vendu en l'état sans garantie")
2. faire au vendeur un avis des défauts (art. 201 CO; avis écrit pour la preuve) .
3. chiffrer le montant de la réparation du défaut et en demander le paiement au vendeur
bon courage !