je hais lire !!! mais un seul auteur que je peux devorer : boris vian.
je l'ai découvert à travers l'écume des jours, merveilleux !
J'ai détesté ce livre... mais peut-être que s'il n'avait pas été matière d'examen de 9ème... et peut-être que si je ne détestais pas le prof qui nous enseignait le français, j'aurais aimé ce livre ^^
En tant que femme c'est absolument impossible d'aimer ce livre et toutes les œuvres de Boris Vian en général
en quoi c'est incompatible?
Je suis une nana et j'adore Boris Vian!
Toi-nous a déjà répondu à ta question :
"Toi - nous" wrote:
Tiens j'ai aussi lu 2 livre de Boris Vian à l'époque où il faisait bon vivre :lol:. Effectivement c'était un misogyne, et il ne le cachait de loin pas dans ses écrits ;). Mis à part ce côté de sa personnalité, j'ai bien aimé lire ses livres.
Après plein d'écrivains ont des propos misogynes dans leurs écrits, mais de là a avoir autant de mépris pour les femmes, personnellement pour moi c'est assez difficile d'apprécier ses œuvres, mais comme toujours ce n'est qu'un humble avis de féministe affirmée
Après plein d'écrivains ont des propos misogynes dans leurs écrits, mais de là a avoir autant de mépris pour les femmes, personnellement pour moi c'est assez difficile d'apprécier ses œuvres, mais comme toujours ce n'est qu'un humble avis de féministe affirmée
Effectivement cela peut être une bonne raison de ne pas aimer les oeuvres d'un écrivain. Mais l'argument n'est du coup pas objectif.
Car ce n'est pas un argument qui dénigre son oeuvre, mais sa personnalité, c'est très différent.
Pour ma part, j'ai trouvé que c'était un excellent écrivain, du moins de ce que j'ai lu de ses oeuvres, malgré sa manifeste aversion pour le sexe opposé.
Cela ne m'empêche pas de penser qu'à côté c'était peut-être un vrai con, mais ça n'a rien à voir...
J'aurais pu prendre un autre exemple plus actuel de nos jours, (toujours selon mon appréciation personnelle) de guignols qui se prétendent écrivains, mais qui ne font que manifester une grande maîtrise de leur dictionnaire de synonymes.
Choisis l'entrerrement... L'incinération sera ta dernière cuite, mais sous terre, t'auras toujours l'occasion d'avoir un vers dans le nez. [img]http://i70.servimg.com/u/f70/11/10/78/82/mota
Vous me donnez envie de lire Vian, juste pour voir.. C'est bizarre cette mysoginie, il n'est pas né dans une époque où la femme était considérée à l'égal de l'homme, certes, mais tout de même, 1920-1959, en France, les moeurs et l'égalité étaient déjà sur de bonnes voies surtout qu'il a tout écrit après la guerre à en croire Wiki... Bref, à lire...
(il avait 35 pseudos... Comment il nous ridiculise là... )
Après plein d'écrivains ont des propos misogynes dans leurs écrits, mais de là a avoir autant de mépris pour les femmes, personnellement pour moi c'est assez difficile d'apprécier ses œuvres, mais comme toujours ce n'est qu'un humble avis de féministe affirmée
Effectivement cela peut être une bonne raison de ne pas aimer les oeuvres d'un écrivain. Mais l'argument n'est du coup pas objectif.
Car ce n'est pas un argument qui dénigre son oeuvre, mais sa personnalité, c'est très différent.
Pour ma part, j'ai trouvé que c'était un excellent écrivain, du moins de ce que j'ai lu de ses oeuvres, malgré sa manifeste aversion pour le sexe opposé.
Cela ne m'empêche pas de penser qu'à côté c'était peut-être un vrai con, mais ça n'a rien à voir...
J'aurais pu prendre un autre exemple plus actuel de nos jours, (toujours selon mon appréciation personnelle) de guignols qui se prétendent écrivains, mais qui ne font que manifester une grande maîtrise de leur dictionnaire de synonymes.
J'ai bien dit personnellement c'était un avis très subjectif, le topic parle de littérature et ne demande pas d'être objectif, ce ne sont que des avis, comme tout les sujets sur la moto qui partent aussi en vrille
Tu l'as trouvé un excellent écrivain, certes, mais justement il écrit face à de tous grands qui posent des questions et s'interrogent de manière plus réfléchi et sensée, plus que son excentricité qui le pousse simplement à provoquer continuellement dans ses écrits. Mais comme la télé réalité et les magazines people, ses livres sont faciles à lire, fluides, on les dévore en une lecture, soi-disant avec un certain degré de distance (à prendre au Xème degré), certes c'est facile à lire, mais toujours très personnellement je trouve ça "cheap" (pacotile) quand jd'autres écrivains misogynes se placent bien plus haut dans mon estime
"P-WHY?" wrote:
Vous me donnez envie de lire Vian, juste pour voir.. C'est bizarre cette mysoginie, il n'est pas né dans une époque où la femme était considérée à l'égal de l'homme, certes, mais tout de même, 1920-1959, en France, les moeurs et l'égalité étaient déjà sur de bonnes voies surtout qu'il a tout écrit après la guerre à en croire Wiki... Bref, à lire...
Vive wikipedia son mépris de la femme trouve ses origines dans sa mère beaucoup trop présente et étouffante selon ses biographes, mais c'est bien pire que de la simple misogynie, c'est une haine clairement intelligible par ses phrases d'autant plus écœurante lorsqu'on la décèle
I'm back! Quand j'ai pas un guidon dans les mains c'est un livre (enfin à peu près) ^^
@ tnt87: c'est un topic mort depuis un bail et il y a une faute dans la sujet alors euhhh... bof!
En ce qui concerne "Tout est sous contrôle", je ne l'ai pas lu mais il m'a toujours intrigué parce que vu la personnalité de l'acteur, le livre doit être vraiment sympathique.
Pour ce qui est de Vian, il a toujours créé des débats à son sujet et c'est bien pour ça qu'il est si connu! Parce que si on ne l'a pas lu on entend des avis tellement tranchés à son propos qu'on a forcément envie de le lire pour avoir son propre avis. En parlant d'avis, c'est forcément subjectif! LE tout c'est de donner un argument ou deux pour chaque avis avancé (eh oui les règles de la philo). C'est bien pour ça que même après des siècles, les auteurs restent connus et étudiés: s'il y avait de l'objectif dans tout ça on aurait déjà tiré des conclusions définitives et tout serait parti aux oubliettes.
@Jack's: c'est vraie que Chessex c'est pas de la littérature forcément prenante.
On a de bons auteurs ou sagas comme Dan Brown et Millenuim: ce sont des livres dont on ne sort pas, relativement grand public pour être abordable. S'il y a des personnes qui aiment les romans policiers je vous les recommande.
En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé lire Le Seigneur des Anneaux et tous les livres de Tolkien. On est dans une époque où les livres inspirent de plus en plus la cinématographie. J'ai donc pu redécouvrir la saga en livre et j'ai adoré parce que, comme bien souvent, il y a beaucoup plus de détails dans un livre que dans sa version film. C'est aussi vrai pour Harry Potter.
En ce moment je lis Emmeline de Balzac, c'est l'histoire d'une femme de caractère qui se marie et s'éprend malgré elle d'un poète. Une nouvelles très courte, mais peu prenante car peut être, oui bon je suis une fille, pas assez sentimentale.
Sinon j'aime beaucoup Baudelaire. C'est sûr que ce n'est pas agréable de lire "bêtement" ses sonnets, ils ne sont intéressants que quand on passe quelques heures dessus. En revanche ses journaux intimes ou critiques sont transcendantes (non j'exagère un peu).
Il y a aussi les nouvelles de Maupassant, comme le Horla que je vous recommande ainsi que la Peur. C'est très court, assez prenant. Il y a aussi L'Inutile beauté a lire, ou comment rendre fou un homme en une phrase! Je vous copie-colle La Peur parce que c'est tellement court que c'est même pas une nouvelles, c'est un post! ^^ Et puis comme ça, si vous êtes rigoureux et que vous lisez ce post, vous aurez tous lu Maupassant!
La Peur de Maupassant, conte paru le 23 octobre 1882 dans le journal Le Gaulois:
On remonta sur le pont après dîner. Devant nous, la Méditerranée n'avait pas un frisson sur toute sa surface qu'une grande lune calme moirait. Le vaste bateau glissait, jetant sur le ciel, qui semblait ensemencé d'étoiles, un gros serpent de fumée noire ; et, derrière nous, l'eau toute blanche, agitée par le passage rapide du lourd bâtiment, battue par l'hélice, moussait, semblait se tordre, remuait tant de clartés qu'on eût dit de la lumière de lune bouillonnant.
Nous étions là, six ou huit, silencieux, admirant, l'oeil tourné vers l'Afrique lointaine où nous allions. Le commandant, qui fumait un cigare au milieu de nous, reprit soudain la conversation du dîner.
- Oui, j'ai eu peur ce jour-là. Mon navire est resté six heures avec ce rocher dans le ventre, battu par la mer. Heureusement que nous avons été recueillis, vers le soir, par un charbonnier anglais qui nous aperçut.
Alors un grand homme à figure brûlée, à l'aspect grave, un de ces hommes qu'on sent avoir traversé de longs pays inconnus, au milieu de dangers incessants, et dont l'oeil tranquille semble garder, dans sa profondeur, quelque chose des paysages étranges qu'il a vus ; un de ces hommes qu'on devine trempés dans le courage, parla pour la première fois :
- Vous dites, commandant, que vous avez eu peur ; je n'en crois rien. Vous vous trompez sur le mot et sur la sensation que vous avez éprouvée. Un homme énergique n'a jamais peur en face du danger pressant. Il est ému, agité, anxieux ; mais la peur, c'est autre chose. Le commandant reprit en riant :
- Fichtre ! je vous réponds bien que j'ai eu peur, moi.
Alors l'homme au teint bronzé prononça d'une voix lente :
- Permettez-moi de m'expliquer ! La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c'est quelque chose d'effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l'âme, un spasme affreux de la pensée et du coeur, dont le souvenir seul donne des frissons d'angoisse. Mais cela n'a lieu, quand on est brave, ni devant une attaque, ni devant la mort inévitable, ni devant toutes les formes connues du péril : cela a lieu dans certaines circonstances anormales, sous certaines influences mystérieuses en face de risques vagues. La vraie peur, c'est quelque chose comme une réminiscence des terreurs fantastiques d'autrefois. Un homme qui croit aux revenants, et qui s'imagine apercevoir un spectre dans la nuit, doit éprouver la peur en toute son épouvantable horreur.
Moi, j'ai deviné la peur en plein jour, il y a dix ans environ. Je l'ai ressentie, l'hiver dernier, par une nuit de décembre.
Et, pourtant, j'ai traversé bien des hasards, bien des aventures qui semblaient mortelles. Je me suis battu souvent. J'ai été laissé pour mort par des voleurs. J'ai été condamné, comme insurgé, à être pendu, en Amérique, et jeté à la mer du pont d'un bâtiment sur les côtes de Chine. Chaque fois je me suis cru perdu, j'en ai pris immédiatement mon parti, sans attendrissement et même sans regrets.
Mais la peur, ce n'est pas cela.
Je l'ai pressentie en Afrique. Et pourtant elle est fille du Nord ; le soleil la dissipe comme un brouillard. Remarquez bien ceci, Messieurs. Chez les Orientaux, la vie ne compte pour rien ; on est résigné tout de suite ; les nuits sont claires et vides des inquiétudes sombres qui hantent les cerveaux dans les pays froids. En Orient, on peut connaître la panique, on ignore la peur.
Eh bien ! voici ce qui m'est arrivé sur cette terre d'Afrique :
Je traversais les grandes dunes au sud de Ouargla. C'est là un des plus étranges pays du monde. Vous connaissez le sable uni, le sable droit des interminables plages de l'Océan. Eh bien ! figurez-vous l'Océan lui-même devenu sable au milieu d'un ouragan ; imaginez une tempête silencieuse de vagues immobiles en poussière jaune. Elles sont hautes comme des montagnes, ces vagues inégales, différentes, soulevées tout à fait comme des flots déchaînés, mais plus grandes encore, et striées comme de la moire. Sur cette mer furieuse, muette et sans mouvement, le dévorant soleil du sud verse sa flamme implacable et directe. Il faut gravir ces lames de cendre d'or, redescendre, gravir encore, gravir sans cesse, sans repos et sans ombre. Les chevaux râlent, enfoncent jusqu'aux genoux, et glissent en dévalant l'autre versant des surprenantes collines.
Nous étions deux amis suivis de huit spahis et de quatre chameaux avec leurs chameliers. Nous ne parlions plus, accablés de chaleur, de fatigue, et désséchés de soif comme ce désert ardent. Soudain un de nos hommes poussa une sorte de cri ; tous s'arrêtèrent ; et nous demeurâmes immobiles, surpris par un inexplicable phénomène, connu des voyageurs en ces contrées perdues.
Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait, le mystérieux tambour des dunes ; il battait distinctement, tantôt plus vibrant, tantôt affaibli, arrêtant, puis reprenant son roulement fantastique.
Les Arabes, épouvantés, se regardaient ; et l'un dit, en sa langue : "La mort est sur nous". Et voilà que tout à coup mon compagnon, mon ami, presque mon frère, tomba de cheval, la tête en avant, foudroyé par une insolation.
Et pendant deux heures, pendant que j'essayais en vain de la sauver, toujours ce tambour insaisissable m'emplissait l'oreille de son bruit monotone, intermittent et incompréhensible ; et je sentais glisser dans mes os la peur, la vraie peur, la hideuse peur, en face de ce cadavre aimé, dans ce trou incendié par le soleil entre quatre monts de sable, tandis que l'écho inconnu nous jetait, à deux cents lieues de tout village français, le battement rapide du tambour.
Ce jour-là, je compris ce que c'était que d'avoir peur ; je l'ai su mieux encore une autre fois...
Le commandant interrompit le conteur :
- Pardon, Monsieur, mais ce tambour ? Qu'était-ce ?
Le voyageur répondit :
- Je n'en sais rien. Personne ne sait. Les officiers, surpris souvent par ce bruit singulier, l'attribuent généralement à l'écho grossi, multiplié, démesurément enflé par les vallonnements des dunes, d'une grêle de grains de sable emportés dans le vent et heurtant une touffe d'herbes sèches ; car on a toujours remarqué que le phénomène se produit dans le voisinage de petites plantes brûlées par le soleil, et dures comme du parchemin.
Ce tambour ne serait donc qu'une sorte de mirage du son. Voilà tout. Mais je n'appris cela que plus tard.
J'arrive à ma seconde émotion.
C'était l'hiver dernier, dans une forêt du nord-est de la France. La nuit vint deux heures plus tôt, tant le ciel était sombre. J'avais pour guide un paysan qui marchait à mon côté, par un tout petit chemin, sous une voûte de sapins dont le vent déchaîné tirait des hurlements. Entre les cimes, je voyais courir des nuages en déroute, des nuages éperdus qui semblaient fuir devant une épouvante. Parfois, sous une immense rafale, toute la forêt s'inclinait dans le même sens avec un gémissement de souffrance ; et le froid m'envahissait, malgré mon pas rapide et mon lourd vêtement.
Nous devions souper et coucher chez un garde forestier dont la maison n'était plus éloignée de nous. J'allais là pour chasser.
Mon guide, parfois, levait les yeux et murmurait : "Triste temps !". Puis il me parla des gens chez qui nous arrivions. Le père avait tué un braconnier deux ans auparavant, et, depuis ce temps, il semblait sombre, comme hanté d'un souvenir. Ses deux fils, mariés, vivaient avec lui.
Les ténèbres étaient profondes. Je ne voyais rien devant moi, ni autour de moi, et toute la branchure des arbres entre-choqués emplissait la nuit d'une rumeur incessante. Enfin, j'aperçus une lumière, et bientôt mon compagnon heurtait une porte. Des cris aigus de femmes nous répondirent. Puis, une voix d'homme, une voix étranglée, demanda : "Qui va là ?". Mon guide se nomma. Nous entrâmes. Ce fut un inoubliable tableau.
Un vieil homme à cheveux blancs, à l'oeil fou, le fusil chargé dans la main, nous attendait debout au milieu de la cuisine, tandis que deux grands gaillards, armés de haches, gardaient la porte. Je distinguai dans les coins sombres deux femmes à genoux, le visage caché contre le mur.
On s'expliqua. Le vieux remit son arme contre le mur et ordonna de préparer ma chambre ; puis, comme les femmes ne bougeaient point, il me dit brusquement :
- Voyez-vous, Monsieur, j'ai tué un homme, voilà deux ans, cette nuit. L'autre année, il est revenu m'appeler. Je l'attends encore ce soir.
Puis il ajouta d'un ton qui me fit sourire :
- Aussi, nous ne sommes pas tranquilles.
Je le rassurai comme je pus, heureux d'être venu justement ce soir-là, et d'assister au spectacle de cette terreur superstitieuse.
Je racontai des histoires, et je parvins à calmer à peu près tout le monde.
Près du foyer, un vieux chien, presque aveugle et moustachu, un de ces chiens qui ressemblent à des gens qu'on connaît, dormait le nez dans ses pattes.
Au-dehors, la tempête acharnée battait la petite maison, et, par un étroit carreau, une sorte de judas placé près de la porte, je voyais soudain tout un fouillis d'arbres bousculés par le vent à la lueur de grands éclairs.
Malgré mes efforts, je sentais bien qu'une terreur profonde tenait ces gens, et chaque fois que je cessais de parler, toutes les oreilles écoutaient au loin. Las d'assister à ces craintes imbéciles, j'allais demander à me coucher, quand le vieux garde tout à coup fit un bond de sa chaise, saisit de nouveau son fusil, en bégayant d'une voix égarée : "Le voilà ! le voilà ! Je l'entends !". Les deux femmes retombèrent à genoux dans leurs coins en se cachant le visage ; et les fils reprirent leurs haches. J'allais tenter encore de les apaiser, quand le chien endormi s'éveilla brusquement et, levant sa tête, tendant le cou, regardant vers le feu de son oeil presque éteint, il poussa un de ces lugubres hurlements qui font tressaillir les voyageurs, le soir, dans la campagne. Tous les yeux se portèrent sur lui, il restait maintenant immobile, dressé sur ses pattes comme hanté d'une vision, et il se remit à hurler vers quelque chose d'invisible, d'inconnu, d'affreux sans doute, car tout son poil se hérissait. Le garde, livide cria : "Il le sent ! il le sent ! il était là quand je l'ai tué". Et les deux femmes égarées se mirent, toutes les deux, à hurler avec le chien.
Malgré moi, un grand frisson me courut entre les épaules. Cette vision de l'animal dans ce lieu, à cette heure, au milieu de ces gens éperdus, était effrayant à voir.
Alors, pendant une heure, le chien hurla sans bouger ; il hurla comme dans l'angoisse d'un rêve ; et la peur, l'épouvantable peur entrait en moi ; la peur de quoi ? Le sais-je ? C'était la peur, voilà tout.
Nous restions immobiles, livides, dans l'attente d'un événement affreux, l'oreille tendue, le coeur battant, bouleversés au moindre bruit. Et le chien se mit à tourner autour de la pièce, en sentant les murs et gémissant toujours. Cette bête nous rendait fous ! Alors, le paysan qui m'avait amené, se jeta sur elle, dans une sorte de paroxysme de terreur furieuse, et, ouvrant une porte donnant sur une petite cour jeta l'animal dehors.
Il se tut aussitôt ; et nous restâmes plongés dans un silence plus terrifiant encore. Et soudain tous ensemble, nous eûmes une sorte de sursaut : un être glissait contre le mur du dehors vers la forêt ; puis il passa contre la porte, qu'il sembla tâter, d'une main hésitante ; puis on n'entendit plus rien pendant deux minutes qui firent de nous des insensés ; puis il revint, frôlant toujours la muraille ; et il gratta légèrement, comme ferait un enfant avec son ongle ; puis soudain une tête apparut contre la vitre du judas, une tête blanche avec des yeux lumineux comme ceux des fauves. Et un son sortit de sa bouche, un son indistinct, un murmure plaintif.
Alors un bruit formidable éclata dans la cuisine. Le vieux garde avait tiré. Et aussitôt les fils se précipitèrent, bouchèrent le judas en dressant la grande table qu'ils assujettirent avec le buffet.
Et je vous jure qu'au fracas du coup de fusil que je n'attendais point, j'eus une telle angoisse du coeur, de l'âme et du corps, que je me sentis défaillir, prêt à mourir de peur.
Nous restâmes là jusqu'à l'aurore, incapables de bouger, de dire un mot, crispés dans un affolement indicible.
On n'osa débarricader la sortie qu'en apercevant, par la fente d'un auvent, un mince rayon de jour.
Au pied du mur, contre la porte, le vieux chien gisait, la gueule brisée d'une balle.
Il était sorti de la cour en creusant un trou sous une palissade.
L'homme au visage brun se tut ; puis il ajouta :
- Cette nuit-là pourtant, je ne courus aucun danger ; mais j'aimerais mieux recommencer toutes les heures où j'ai affronté les plus terribles périls, que la seule minute du coup de fusil sur la tête barbue du judas.
J'ai lu la Horla, La main et un autre qui parle d'une fille possédée après avoir mangé un oeuf....C'étais intéressant à étudier... Fou, pas fou,le Horla qu'es-ce, un extraterrestre, une maladie, c'était sympa de débattre en classe...
Etant du métier, j'aime bien comme PIWI les auteurs du siècle des lumières. Le sarcasme et cette provocation intellectuelle m'inspire (va savoir pourquoi ). Sinon j'ai beaucoup aimé le maître de Garamond d'Anne Cuneo ou encore les chroniques de Thomas Covenant par S. Donaldson.
Moi ce que j'aime lire, c'est pas vraiment de la littérature au sens strict du terme, mais j'aime les histoires vraie !
Actuellement je lis "J'avais 12 ans, j'ai pris mon vélo et je suis partie à l'école..." de Sabine Dardenne
"Présentation de l'éditeur" wrote:
28 mai 1996. Sabine Dardenne, 12 ans, est enlevée par
Marc Dutroux sur le chemin de l'école. Ce monstre a déjà
tué quatre enfants. Ce que va subir Sabine Dardenne est effroyable. Pourtant, après quatre-vingts jours d'horreur, elle va être sauvée de la mort dans des circonstances extraordinaires. Sabine Dardenne a attendu huit ans pour nous raconter ce qu'elle a subi :
" Je suis l'une des rares survivantes qui aient eu la chance
d'échapper à ce genre d'assassin. Ce récit m'était nécessaire et si j'ai eu le courage de reconstituer ce calvaire, c'est avant tout pour qu'un juge ne relâche plus les pédophiles à la moitié de leur peine pour " bonne conduite " et sans autre forme de précaution... " Un témoignage exceptionnel pour que la voix des victimes
soit enfin entendue et que cesse la fascination pour les
monstres.
Inscription: 23/08/2008
Localisation: romandie
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#16Toi-nous a déjà répondu à ta question :
Après plein d'écrivains ont des propos misogynes dans leurs écrits, mais de là a avoir autant de mépris pour les femmes, personnellement pour moi c'est assez difficile d'apprécier ses œuvres, mais comme toujours ce n'est qu'un humble avis de féministe affirmée
Inscription: 09/08/2007
Localisation: Le Mont-sur-Lausanne
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#17Effectivement cela peut être une bonne raison de ne pas aimer les oeuvres d'un écrivain. Mais l'argument n'est du coup pas objectif.
Car ce n'est pas un argument qui dénigre son oeuvre, mais sa personnalité, c'est très différent.
Pour ma part, j'ai trouvé que c'était un excellent écrivain, du moins de ce que j'ai lu de ses oeuvres, malgré sa manifeste aversion pour le sexe opposé.
Cela ne m'empêche pas de penser qu'à côté c'était peut-être un vrai con, mais ça n'a rien à voir...
J'aurais pu prendre un autre exemple plus actuel de nos jours, (toujours selon mon appréciation personnelle) de guignols qui se prétendent écrivains, mais qui ne font que manifester une grande maîtrise de leur dictionnaire de synonymes.
Choisis l'entrerrement... L'incinération sera ta dernière cuite, mais sous terre, t'auras toujours l'occasion d'avoir un vers dans le nez.
[img]http://i70.servimg.com/u/f70/11/10/78/82/mota
Inscription: 22/08/2005
Localisation: Lausanne
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#18Vous me donnez envie de lire Vian, juste pour voir.. C'est bizarre cette mysoginie, il n'est pas né dans une époque où la femme était considérée à l'égal de l'homme, certes, mais tout de même, 1920-1959, en France, les moeurs et l'égalité étaient déjà sur de bonnes voies surtout qu'il a tout écrit après la guerre à en croire Wiki... Bref, à lire...
(il avait 35 pseudos... Comment il nous ridiculise là...
)
Bike is a state of mind ! Don't forget it ! (MM)
------->Vive le kid du kentucky <--------
http://www.nickyh
Inscription: 23/08/2008
Localisation: romandie
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#19J'ai bien dit personnellement
c'était un avis très subjectif, le topic parle de littérature et ne demande pas d'être objectif, ce ne sont que des avis, comme tout les sujets sur la moto qui partent aussi en vrille
Tu l'as trouvé un excellent écrivain, certes, mais justement il écrit face à de tous grands qui posent des questions et s'interrogent de manière plus réfléchi et sensée, plus que son excentricité qui le pousse simplement à provoquer continuellement dans ses écrits. Mais comme la télé réalité et les magazines people, ses livres sont faciles à lire, fluides, on les dévore en une lecture, soi-disant avec un certain degré de distance (à prendre au Xème degré), certes c'est facile à lire, mais toujours très personnellement je trouve ça "cheap" (pacotile) quand jd'autres écrivains misogynes se placent bien plus haut dans mon estime
Vive wikipedia
son mépris de la femme trouve ses origines dans sa mère beaucoup trop présente et étouffante selon ses biographes, mais c'est bien pire que de la simple misogynie, c'est une haine clairement intelligible par ses phrases d'autant plus écœurante lorsqu'on la décèle 
Inscription: 29/10/2008
Localisation: Fribourg
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#20Ben euuh... ça fait pas doublon ? http://forum.motards.ch/viewtopic.php?f=18&t=75375
Inscription: 11/02/2011
Localisation: Vers l'infini et au-delà...
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#21I'm back! Quand j'ai pas un guidon dans les mains c'est un livre (enfin à peu près) ^^
@ tnt87: c'est un topic mort depuis un bail et il y a une faute dans la sujet alors euhhh... bof!
En ce qui concerne "Tout est sous contrôle", je ne l'ai pas lu mais il m'a toujours intrigué parce que vu la personnalité de l'acteur, le livre doit être vraiment sympathique.
Pour ce qui est de Vian, il a toujours créé des débats à son sujet et c'est bien pour ça qu'il est si connu! Parce que si on ne l'a pas lu on entend des avis tellement tranchés à son propos qu'on a forcément envie de le lire pour avoir son propre avis. En parlant d'avis, c'est forcément subjectif! LE tout c'est de donner un argument ou deux pour chaque avis avancé (eh oui les règles de la philo). C'est bien pour ça que même après des siècles, les auteurs restent connus et étudiés: s'il y avait de l'objectif dans tout ça on aurait déjà tiré des conclusions définitives et tout serait parti aux oubliettes.
@Jack's: c'est vraie que Chessex c'est pas de la littérature forcément prenante.
On a de bons auteurs ou sagas comme Dan Brown et Millenuim: ce sont des livres dont on ne sort pas, relativement grand public pour être abordable. S'il y a des personnes qui aiment les romans policiers je vous les recommande.
En ce qui me concerne, j'ai beaucoup aimé lire Le Seigneur des Anneaux et tous les livres de Tolkien. On est dans une époque où les livres inspirent de plus en plus la cinématographie. J'ai donc pu redécouvrir la saga en livre et j'ai adoré parce que, comme bien souvent, il y a beaucoup plus de détails dans un livre que dans sa version film. C'est aussi vrai pour Harry Potter.
En ce moment je lis Emmeline de Balzac, c'est l'histoire d'une femme de caractère qui se marie et s'éprend malgré elle d'un poète. Une nouvelles très courte, mais peu prenante car peut être, oui bon je suis une fille, pas assez sentimentale.
Sinon j'aime beaucoup Baudelaire. C'est sûr que ce n'est pas agréable de lire "bêtement" ses sonnets, ils ne sont intéressants que quand on passe quelques heures dessus. En revanche ses journaux intimes ou critiques sont transcendantes (non j'exagère un peu).
Il y a aussi les nouvelles de Maupassant, comme le Horla que je vous recommande ainsi que la Peur. C'est très court, assez prenant. Il y a aussi L'Inutile beauté a lire, ou comment rendre fou un homme en une phrase! Je vous copie-colle La Peur parce que c'est tellement court que c'est même pas une nouvelles, c'est un post! ^^ Et puis comme ça, si vous êtes rigoureux et que vous lisez ce post, vous aurez tous lu Maupassant!
Z'avez vu ce temps?! Motooo mais motoooooooo!
Inscription: 11/02/2011
Localisation: Vers l'infini et au-delà...
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#22La Peur de Maupassant, conte paru le 23 octobre 1882 dans le journal Le Gaulois:
On remonta sur le pont après dîner. Devant nous, la Méditerranée n'avait pas un frisson sur toute sa surface qu'une grande lune calme moirait. Le vaste bateau glissait, jetant sur le ciel, qui semblait ensemencé d'étoiles, un gros serpent de fumée noire ; et, derrière nous, l'eau toute blanche, agitée par le passage rapide du lourd bâtiment, battue par l'hélice, moussait, semblait se tordre, remuait tant de clartés qu'on eût dit de la lumière de lune bouillonnant.
Nous étions là, six ou huit, silencieux, admirant, l'oeil tourné vers l'Afrique lointaine où nous allions. Le commandant, qui fumait un cigare au milieu de nous, reprit soudain la conversation du dîner.
- Oui, j'ai eu peur ce jour-là. Mon navire est resté six heures avec ce rocher dans le ventre, battu par la mer. Heureusement que nous avons été recueillis, vers le soir, par un charbonnier anglais qui nous aperçut.
Alors un grand homme à figure brûlée, à l'aspect grave, un de ces hommes qu'on sent avoir traversé de longs pays inconnus, au milieu de dangers incessants, et dont l'oeil tranquille semble garder, dans sa profondeur, quelque chose des paysages étranges qu'il a vus ; un de ces hommes qu'on devine trempés dans le courage, parla pour la première fois :
- Vous dites, commandant, que vous avez eu peur ; je n'en crois rien. Vous vous trompez sur le mot et sur la sensation que vous avez éprouvée. Un homme énergique n'a jamais peur en face du danger pressant. Il est ému, agité, anxieux ; mais la peur, c'est autre chose. Le commandant reprit en riant :
- Fichtre ! je vous réponds bien que j'ai eu peur, moi.
Alors l'homme au teint bronzé prononça d'une voix lente :
- Permettez-moi de m'expliquer ! La peur (et les hommes les plus hardis peuvent avoir peur), c'est quelque chose d'effroyable, une sensation atroce, comme une décomposition de l'âme, un spasme affreux de la pensée et du coeur, dont le souvenir seul donne des frissons d'angoisse. Mais cela n'a lieu, quand on est brave, ni devant une attaque, ni devant la mort inévitable, ni devant toutes les formes connues du péril : cela a lieu dans certaines circonstances anormales, sous certaines influences mystérieuses en face de risques vagues. La vraie peur, c'est quelque chose comme une réminiscence des terreurs fantastiques d'autrefois. Un homme qui croit aux revenants, et qui s'imagine apercevoir un spectre dans la nuit, doit éprouver la peur en toute son épouvantable horreur.
Moi, j'ai deviné la peur en plein jour, il y a dix ans environ. Je l'ai ressentie, l'hiver dernier, par une nuit de décembre.
Et, pourtant, j'ai traversé bien des hasards, bien des aventures qui semblaient mortelles. Je me suis battu souvent. J'ai été laissé pour mort par des voleurs. J'ai été condamné, comme insurgé, à être pendu, en Amérique, et jeté à la mer du pont d'un bâtiment sur les côtes de Chine. Chaque fois je me suis cru perdu, j'en ai pris immédiatement mon parti, sans attendrissement et même sans regrets.
Mais la peur, ce n'est pas cela.
Je l'ai pressentie en Afrique. Et pourtant elle est fille du Nord ; le soleil la dissipe comme un brouillard. Remarquez bien ceci, Messieurs. Chez les Orientaux, la vie ne compte pour rien ; on est résigné tout de suite ; les nuits sont claires et vides des inquiétudes sombres qui hantent les cerveaux dans les pays froids. En Orient, on peut connaître la panique, on ignore la peur.
Eh bien ! voici ce qui m'est arrivé sur cette terre d'Afrique :
Je traversais les grandes dunes au sud de Ouargla. C'est là un des plus étranges pays du monde. Vous connaissez le sable uni, le sable droit des interminables plages de l'Océan. Eh bien ! figurez-vous l'Océan lui-même devenu sable au milieu d'un ouragan ; imaginez une tempête silencieuse de vagues immobiles en poussière jaune. Elles sont hautes comme des montagnes, ces vagues inégales, différentes, soulevées tout à fait comme des flots déchaînés, mais plus grandes encore, et striées comme de la moire. Sur cette mer furieuse, muette et sans mouvement, le dévorant soleil du sud verse sa flamme implacable et directe. Il faut gravir ces lames de cendre d'or, redescendre, gravir encore, gravir sans cesse, sans repos et sans ombre. Les chevaux râlent, enfoncent jusqu'aux genoux, et glissent en dévalant l'autre versant des surprenantes collines.
Nous étions deux amis suivis de huit spahis et de quatre chameaux avec leurs chameliers. Nous ne parlions plus, accablés de chaleur, de fatigue, et désséchés de soif comme ce désert ardent. Soudain un de nos hommes poussa une sorte de cri ; tous s'arrêtèrent ; et nous demeurâmes immobiles, surpris par un inexplicable phénomène, connu des voyageurs en ces contrées perdues.
Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée, un tambour battait, le mystérieux tambour des dunes ; il battait distinctement, tantôt plus vibrant, tantôt affaibli, arrêtant, puis reprenant son roulement fantastique.
Les Arabes, épouvantés, se regardaient ; et l'un dit, en sa langue : "La mort est sur nous". Et voilà que tout à coup mon compagnon, mon ami, presque mon frère, tomba de cheval, la tête en avant, foudroyé par une insolation.
Et pendant deux heures, pendant que j'essayais en vain de la sauver, toujours ce tambour insaisissable m'emplissait l'oreille de son bruit monotone, intermittent et incompréhensible ; et je sentais glisser dans mes os la peur, la vraie peur, la hideuse peur, en face de ce cadavre aimé, dans ce trou incendié par le soleil entre quatre monts de sable, tandis que l'écho inconnu nous jetait, à deux cents lieues de tout village français, le battement rapide du tambour.
Ce jour-là, je compris ce que c'était que d'avoir peur ; je l'ai su mieux encore une autre fois...
Le commandant interrompit le conteur :
- Pardon, Monsieur, mais ce tambour ? Qu'était-ce ?
Le voyageur répondit :
- Je n'en sais rien. Personne ne sait. Les officiers, surpris souvent par ce bruit singulier, l'attribuent généralement à l'écho grossi, multiplié, démesurément enflé par les vallonnements des dunes, d'une grêle de grains de sable emportés dans le vent et heurtant une touffe d'herbes sèches ; car on a toujours remarqué que le phénomène se produit dans le voisinage de petites plantes brûlées par le soleil, et dures comme du parchemin.
Ce tambour ne serait donc qu'une sorte de mirage du son. Voilà tout. Mais je n'appris cela que plus tard.
J'arrive à ma seconde émotion.
C'était l'hiver dernier, dans une forêt du nord-est de la France. La nuit vint deux heures plus tôt, tant le ciel était sombre. J'avais pour guide un paysan qui marchait à mon côté, par un tout petit chemin, sous une voûte de sapins dont le vent déchaîné tirait des hurlements. Entre les cimes, je voyais courir des nuages en déroute, des nuages éperdus qui semblaient fuir devant une épouvante. Parfois, sous une immense rafale, toute la forêt s'inclinait dans le même sens avec un gémissement de souffrance ; et le froid m'envahissait, malgré mon pas rapide et mon lourd vêtement.
Nous devions souper et coucher chez un garde forestier dont la maison n'était plus éloignée de nous. J'allais là pour chasser.
Mon guide, parfois, levait les yeux et murmurait : "Triste temps !". Puis il me parla des gens chez qui nous arrivions. Le père avait tué un braconnier deux ans auparavant, et, depuis ce temps, il semblait sombre, comme hanté d'un souvenir. Ses deux fils, mariés, vivaient avec lui.
Les ténèbres étaient profondes. Je ne voyais rien devant moi, ni autour de moi, et toute la branchure des arbres entre-choqués emplissait la nuit d'une rumeur incessante. Enfin, j'aperçus une lumière, et bientôt mon compagnon heurtait une porte. Des cris aigus de femmes nous répondirent. Puis, une voix d'homme, une voix étranglée, demanda : "Qui va là ?". Mon guide se nomma. Nous entrâmes. Ce fut un inoubliable tableau.
Un vieil homme à cheveux blancs, à l'oeil fou, le fusil chargé dans la main, nous attendait debout au milieu de la cuisine, tandis que deux grands gaillards, armés de haches, gardaient la porte. Je distinguai dans les coins sombres deux femmes à genoux, le visage caché contre le mur.
On s'expliqua. Le vieux remit son arme contre le mur et ordonna de préparer ma chambre ; puis, comme les femmes ne bougeaient point, il me dit brusquement :
- Voyez-vous, Monsieur, j'ai tué un homme, voilà deux ans, cette nuit. L'autre année, il est revenu m'appeler. Je l'attends encore ce soir.
Puis il ajouta d'un ton qui me fit sourire :
- Aussi, nous ne sommes pas tranquilles.
Je le rassurai comme je pus, heureux d'être venu justement ce soir-là, et d'assister au spectacle de cette terreur superstitieuse.
Je racontai des histoires, et je parvins à calmer à peu près tout le monde.
Près du foyer, un vieux chien, presque aveugle et moustachu, un de ces chiens qui ressemblent à des gens qu'on connaît, dormait le nez dans ses pattes.
Au-dehors, la tempête acharnée battait la petite maison, et, par un étroit carreau, une sorte de judas placé près de la porte, je voyais soudain tout un fouillis d'arbres bousculés par le vent à la lueur de grands éclairs.
Malgré mes efforts, je sentais bien qu'une terreur profonde tenait ces gens, et chaque fois que je cessais de parler, toutes les oreilles écoutaient au loin. Las d'assister à ces craintes imbéciles, j'allais demander à me coucher, quand le vieux garde tout à coup fit un bond de sa chaise, saisit de nouveau son fusil, en bégayant d'une voix égarée : "Le voilà ! le voilà ! Je l'entends !". Les deux femmes retombèrent à genoux dans leurs coins en se cachant le visage ; et les fils reprirent leurs haches. J'allais tenter encore de les apaiser, quand le chien endormi s'éveilla brusquement et, levant sa tête, tendant le cou, regardant vers le feu de son oeil presque éteint, il poussa un de ces lugubres hurlements qui font tressaillir les voyageurs, le soir, dans la campagne. Tous les yeux se portèrent sur lui, il restait maintenant immobile, dressé sur ses pattes comme hanté d'une vision, et il se remit à hurler vers quelque chose d'invisible, d'inconnu, d'affreux sans doute, car tout son poil se hérissait. Le garde, livide cria : "Il le sent ! il le sent ! il était là quand je l'ai tué". Et les deux femmes égarées se mirent, toutes les deux, à hurler avec le chien.
Malgré moi, un grand frisson me courut entre les épaules. Cette vision de l'animal dans ce lieu, à cette heure, au milieu de ces gens éperdus, était effrayant à voir.
Alors, pendant une heure, le chien hurla sans bouger ; il hurla comme dans l'angoisse d'un rêve ; et la peur, l'épouvantable peur entrait en moi ; la peur de quoi ? Le sais-je ? C'était la peur, voilà tout.
Nous restions immobiles, livides, dans l'attente d'un événement affreux, l'oreille tendue, le coeur battant, bouleversés au moindre bruit. Et le chien se mit à tourner autour de la pièce, en sentant les murs et gémissant toujours. Cette bête nous rendait fous ! Alors, le paysan qui m'avait amené, se jeta sur elle, dans une sorte de paroxysme de terreur furieuse, et, ouvrant une porte donnant sur une petite cour jeta l'animal dehors.
Il se tut aussitôt ; et nous restâmes plongés dans un silence plus terrifiant encore. Et soudain tous ensemble, nous eûmes une sorte de sursaut : un être glissait contre le mur du dehors vers la forêt ; puis il passa contre la porte, qu'il sembla tâter, d'une main hésitante ; puis on n'entendit plus rien pendant deux minutes qui firent de nous des insensés ; puis il revint, frôlant toujours la muraille ; et il gratta légèrement, comme ferait un enfant avec son ongle ; puis soudain une tête apparut contre la vitre du judas, une tête blanche avec des yeux lumineux comme ceux des fauves. Et un son sortit de sa bouche, un son indistinct, un murmure plaintif.
Alors un bruit formidable éclata dans la cuisine. Le vieux garde avait tiré. Et aussitôt les fils se précipitèrent, bouchèrent le judas en dressant la grande table qu'ils assujettirent avec le buffet.
Et je vous jure qu'au fracas du coup de fusil que je n'attendais point, j'eus une telle angoisse du coeur, de l'âme et du corps, que je me sentis défaillir, prêt à mourir de peur.
Nous restâmes là jusqu'à l'aurore, incapables de bouger, de dire un mot, crispés dans un affolement indicible.
On n'osa débarricader la sortie qu'en apercevant, par la fente d'un auvent, un mince rayon de jour.
Au pied du mur, contre la porte, le vieux chien gisait, la gueule brisée d'une balle.
Il était sorti de la cour en creusant un trou sous une palissade.
L'homme au visage brun se tut ; puis il ajouta :
- Cette nuit-là pourtant, je ne courus aucun danger ; mais j'aimerais mieux recommencer toutes les heures où j'ai affronté les plus terribles périls, que la seule minute du coup de fusil sur la tête barbue du judas.
Z'avez vu ce temps?! Motooo mais motoooooooo!
Inscription: 13/09/2006
Localisation: Colombier
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#23Je suis fan aussi de La Peur et autres contes fantastiques !
Sinon je l'ai pas lu depuis super longtemps, mais j'avais adoré "Le K" de Buzzati !
Inscription: 22/08/2005
Localisation: Lausanne
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#24Merci Nani !
J'ai lu la Horla, La main et un autre qui parle d'une fille possédée après avoir mangé un oeuf....C'étais intéressant à étudier... Fou, pas fou,le Horla qu'es-ce, un extraterrestre, une maladie, c'était sympa de débattre en classe...
L'auteur joue avec les mots pour nous perdre...
Bike is a state of mind ! Don't forget it ! (MM)
------->Vive le kid du kentucky <--------
http://www.nickyh
Inscription: 17/01/2006
Localisation: Bussigny
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#25Etant du métier, j'aime bien comme PIWI les auteurs du siècle des lumières. Le sarcasme et cette provocation intellectuelle m'inspire (va savoir pourquoi
). Sinon j'ai beaucoup aimé le maître de Garamond d'Anne Cuneo ou encore les chroniques de Thomas Covenant par S. Donaldson.
Inscription: 20/01/2011
Localisation: Le Locle
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#26Moi ce que j'aime lire, c'est pas vraiment de la littérature au sens strict du terme, mais j'aime les histoires vraie !
Actuellement je lis "J'avais 12 ans, j'ai pris mon vélo et je suis partie à l'école..." de Sabine Dardenne