détartrage du chauffe-eau : qui paie?

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Salut,

En début d'année la gérance nous a fait payer la facture du détartrage de notre chauffe-eau, comme c'est marqué sur notre contrat de bail.
J'ai lu tout récemment dans le guide bon à savoir que seul les petites choses (ordre de grandeur 150.- max comme par exemple le tuyau de douche) pouvaient être facturées au locataire. Même si l'inverse est marqué dans le contrat de bail, les gros frais (exemple la toile de tente du balcon) sont à la charge du proprio.

Le chauffe-eau (env. 500.-) c'est à la charge de qui? C'est écrit dans notre contrat de bail que c'est à notre charge mais est-ce qu'on s'est fait pigeonner? Si oui comment demander le remboursement?

Merci d'avance!

A ta charge puisque tu as signé un contrat dans laquelle c'est stipulé!
Le contrat de bail est principalement un contrat de droit dispositif. Il n'est même pas soumis à la forme écrite, même si cette dernière est fortement recommandée.

Come to the dark side. "Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu! Faut tout que je fasse ici"IMAGE(<a href="http://www.caloz.ch/imgforum/darkbanner2.jpg" rel="nofollow">http://www.caloz.ch/imgforum/darkbanner2.jpg</a>)

Tu es de la région lausannoise, donc on imagine canton de Vaud, donc RULV (règles et usages locatifs vaudois) applicables (avec force obligatoire). Art. 9, obligations du locataire : Le locataire est tenu d'user de la chose louée avec tout le soin nécessaire. Il est chargé de procéder à ses frais aux travaux de nettoyage. Sous réserve de l'usure normale, il prend à sa charge la réparation des dégâts qu'il a causés et les menus travaux d'entretien et de réparation. Il se charge notamment de : (...) lettre k : détartrer régulièrement les bouilleurs individuels.

Il faut donc savoir si vous avez un "bouilleur individuel" dans votre appartement (ou votre villa). S'il s'agit du bouilleur collectif de l'immeuble, c'est pour le bailleur à mon avis. Si c'est bien un appareil individuel, la question est plus délicate. A mon avis, on ne peut pas confondre entre "usure normale" (à charge du bailleur) et détartrage régulier (entretien à charge du locataire). La question que tu soulèves est ensuite bien délicate : tu as raison de dire que seule les petites réparations sont à charge du locataire et que l'on fixe en général la limite à 150.- (sous réserve d'une relative indexation, le chiffre figurant encore dans le commentaire de Lachat de 2008 (p. 241). En vertu de l'article 256 al. 2 CO, les clauses du contrat qui restreignent ou suppriment les droits du locataire en cas de défaut de la chose louée sont nulles; cela vaut p. ex. pour la clause qui met à charge du locataire des travaux d'entretien qui excèdent la réparation des menus défauts (Lachat p 250 in initio). Pour Lachat (p. 241 note infrapaginale no 61 in fine), le détartrage du boiler n'est pas une menue réparation; il s'agit d'un travail impliquant des compétences particulières; cette approche signifie que cela ne peut pas être valablement mis à la charge du locataire... On peut suivre la même approche générale dans le tout nouveau commentaire pratique de l'Uni de Neuchâtel, 2010, sous la plume de Me Carole Aubert (p. 324 ad art. 259 CO, ch. 13) : on vise les travaux qui peuvent objectivement être réalisées "sans connaissances techniques particulières, ni devoir faire appel à une entreprise"; cette avocate relève justement que les appareils deviennent de plus en plus complexes et les locataires de moins en moins artisans, ce qui induit une hausse des coûts d'entretien à charge du bailleur, qui peut tenter de la répercuter sur les loyers en application de l'art. 269a lit. b CO. Dans ce Commentaire pratique, la limite de 100.- à 150.- est toujours évoquée, sans qu'il ne s'agisse de chiffres absolus, mais dans le respect du principe ci-dessus (travaux qu'un locataire standard doit pouvoir faire lui-même).

On a donc une contradiction entre, d'une part, le droit fédéral, explicité notamment par Lachat et le Commentaire pratique, qui pourrait faire penser que le montant est à charge du bailleur, et, d'autre part, le contrat et les RULV déclarées de force obligatoire sur l'ensemble du territoire vaudois, qui mettent la dépense à charge du locataire. Si tu avais été à Neuchâtel il y a quelques jours pour participer au 16ème séminaire du droit du bail, tu aurais pu entendre Me Michel Rossinelli exposer pourquoi les RULV peuvent valablement déroger aux règles impératives du droit fédéral (sur autorisation du Conseil fédéral du 25 juin 2008 la dernière fois). En théorie, les RULV l'emportent donc et c'est au locataire de payer. Toutefois, il est admis que les RULV ne dérogent au droit fédéral qu'aux articles 2, 19, 22 et 35, si bien que l'article 9 semble considéré comme conforme au droit fédéral, mais il semble aussi admis par Me Rossinelli que cette liste n'est pas exhaustive et dépend d'une question d'interprétation, alors que l'autorisation de déroger au droit fédéral est - elle - générale pour toutes les RULV. Pour les praticiens à l'époque de l'élaboration des RULV, l'article 9 n'était qu'un rappel du droit fédéral et de la notion de "menus défauts" à charge du locataire (cf. p. ex. l'exposé complet de Denis Sulliger in Cahier du bail, déc. 2002, no 4, p. 112, ch. 2.18); ce qui est drôle, c'est que Sulliger renvoie en 2002 au commentaire de Lachat de 1997, p. 147, qui dresse la liste de ces menus défauts en précisant qu'il s'agit en règle générale des travaux que le locataire peut (et doit) faire lui-même à moindres frais (changer un fusible, un joint de robinet, dégager la neige, etc.). Il faut toutefois bien considérer que chacun admet dans la liste des travaux que le locataire lambda ne sait plus faire aujourd'hui (changer une courroie de store, changer une vitre, ramoner une cheminée, déboucher les écoulements jusqu'à la conduite principale et... détartrer régulièrement les bouilleurs individuels.

Une explication bien complexe, pour dire que si la question est simple la réponse ne l'est pas. A mon avis, si tu veux contester cette facture tu as une très grosse pente à remonter dans le canton de Vaud, jusqu'à l'autorisation de déroger au droit fédéral délivrée par le Conseil fédéral de 2008... tu as meilleur temps de payer. Peut-être l'ASLOCA serait-elle intéressée par un combat de principe de ce type ? personnellement, j'estime la contestation risquée en droit, même si sur le plan du système général du droit du bail j'estime que l'article 9 des RULV contient des anomalies à renégocier, en particulier s'agissant du bouilleur. Pour avoir déjà changé une courroie de store, je me rends compte que ce n'est sans doute pas à la portée de n'importe quel locataire; un joint de robinet ou un fusible peut sans doute encore être changé par une majorité... d'un autre côté, sur le plan tout à fait pratique, une courroie ou une machine à laver la vaisselle qui est aux frais du locataire dure 15 ans alors que si le remplacement est à charge du bailleur, cela ne dure que 4 ans; il ne faut pas chercher plus loin et on peut comprendre les professionnels qui se préoccupent peu des grands principes mais qui en ont assez de certains locataires peu soigneux.

merci d'avoir pris le temps de taper tout ça!

on a déjà payé la facture... je vais pas perdre de temps à demander le remboursement alors!
merci pour ta réponse!

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ton commentaire concernant la problématique du détartrage de l'installation individuelle du chauffe-eau.

Ton raisonnement est cohérent au regard de l’art.9 RULV, lequel renvoie à l’art.259 CO.

Je suis également d’accord avec ta conclusion, dans la mesure où ce type de travaux incomabant au locataire, en vertu des RULV - de force obligatoire - ne devrait pas figurer dans la liste définie paritairement entre les associations représentatives des locataires et propriétaires vaudois (notamment l’ASLOCA, CVI, USPI).

Toutefois, la prise en charge du nettoyage du chauffe-eau personnel incombe bel et bien au locataire non pas évidemment en vertu de l’art. 259 CO, mais en tant que charge relevant de l’art.257, let.b CO, à titre de frais de chauffage et de production d’eau chaude.

D’ailleurs, Me David Lachat le reconnaît lui-même dans son ouvrage de référence, en indiquant à ce sujet que « lorsque le logement est pourvu d’une installation individuelle de chauffage ou/et de préparation de l’eau chaude, le locataire assume lui-même les frais correspondants (David Lachat, Le bail à loyer, 2ème éd., Lausanne 2008, p.333, no 1.4).

A ce propos, les Directives paritaires pour l’établissement du décompte annuel des frais de chauffage et de préparation d’eau chaude entrées en vigueur dans le canton de Vaud depuis le 1er juillet 2012, font clairement référence à ces frais dans le libellé de l' article 14, lequel précise justement " que les frais utiles au bon fonctionnement des installations peuvent être portés dans le décompte annuel de chauffage à hauteur de 100% pour le détartrage du chauffe-eau".

Par contre, en ce qui concerne les coût du remplacement du joint d’étanchéité du chauffe-eau, le bailleur doit le prendre intégralement en charge, car cette dépense sera comptabilisée dans les frais d’exploitation d'immeuble, au sens de l’art.6 OBLF.

Meilleures salutations

Rodolphe