Toujours aussi modeste et sobre :
A quelques heures du premier GP de la saison (ce soir, 19h15), Thomas Lüthi se livre au «Matin Dimanche». Sa vie de star, ses goûts musicaux, sa liaison avec Fabienne Kropf: Thomas Lüthi dit tout. Son rêve? Devenir un jour indépendant financièrement. Pour pouvoir s'acheter une belle maison au bord d'un lac
Jean-Claude Schertenleib - 08/03/2008
Le Matin Dimanche
Thomas, jolie l'histoire du gamin de ferme devenu personnage de la jet-set...
Je ne suis pas un gamin de ferme. J'y suis né, c'est vrai, mais jamais je n'ai imaginé que je deviendrais un jour agriculteur! Et puis, la jet-set, je ne vois pas pourquoi?
Les voyages, une Miss comme fiancée...
OK. Il se trouve que mon job, c'est de voyager. Et c'est toujours la même chose: maison, aéroport, hôtel, circuit, et retour. Ce n'est pas vraiment la vie de jet-setter, non?
Peut-être. Mais que de changements dans votre vie ces six dernières années...
C'est vrai que j'ai pris la route alors que je n'avais que quinze ans. Et depuis, tout s'est enchaîné. J'ai vraiment l'impression que je suis très rapidement devenu adulte.
En quoi?
La vie de pilote est complexe. Ainsi, il faut se prendre en mains, savoir s'organiser, ne pas oublier un rendez-vous, tout cela n'est pas évident quand on est adolescent.
Vous dites que vous êtes rapidement devenu adulte, vous avez raté quelque chose?
Non, je n'ai pas cette impression. D'ailleurs, mon groupe de vrais copains reste très proche de moi, même quand je suis à l'autre bout du monde.
La bande à Tom, c'est?
Six, sept personnes. Celles avec qui il n'est pas toujours nécessaire de parler pour se faire comprendre.
Cette évolution précipitée, vous l'avez toujours contrôlée?
Je ne crois pas que l'on peut juger soi-même ce genre d'évolution. Je n'ai pas plus fait des comparaisons avec les gars de ma génération. Mais on est rapidement venu me dire que j'avais mûri. Donc...
Malgré cette évolution, pas d'appartement à Monaco, pas de grandes déclarations: n'y a-t-il pas deux Tom chez un Lüthi?
Je crois beaucoup à la théorie des deux pôles. D'un côté il y a les voyages et la folie des circuits, de l'autre le calme de mon village de l'Emmental, Linden. Il y a aussi le pilote qui doit être un peu sauvage, agressif, et l'homme qui adore passer une journée chez lui à ne rien faire, derrière la télévision.
Comment passe-t-on d'une personnalité à l'autre?
Cela se fait automatiquement. Dès qu'on se retrouve sur la piste, on comprend rapidement qu'on n'est plus seulement entre amis. Alors que chez moi, il y a ce calme, cette impression que je peux encore ressortir totalement de mon autre monde.
Oui, mais vous êtes connu. Cela ne doit pas être facile tous les jours d'aller manger dans un restaurant avec Fabienne, votre compagne?
Si j'étais Italien, en Italie, je n'aurais pas cette liberté. En Suisse, c'est différent. Les gens ont beaucoup plus de respect. Dans un restaurant, par exemple, je vois qu'on me reconnaît, mais il est rare qu'on vienne me déranger.
Cela doit être sympa d'être une star. Déjà pour ne plus payer les factures quand on va manger...
Cela ne m'est encore jamais arrivé. Parfois, oui, on m'offre un verre parce que je suis Thomas Lüthi. Mais pas plus.
Tom, votre fiancée - Fabienne Kropf, ancienne Miss Berne et troisième de Miss Suisse en 2005 - est aussi une personnalité connue et occupée. Comment organisez-vous votre vie?
Fabienne essaie de programmer ses activités quand je suis à l'étranger, pour avoir plus de temps quand je reviens quelques jours.
Mais vous ne vivez pas sous le même toit?
Non, on a le temps. Il n'y a qu'une année que nous sommes ensemble, alors pourquoi tout précipiter. Dans ma tête, j'ai toujours fait la différence entre le travail et la vie privée; il en va de même avec Fabienne. Si elle m'accompagne à un GP, je suis bien sûr content, mais elle sait que pendant ces quelques jours, elle n'est pas ma priorité.
A 21 ans, vous avez déjà été champion du monde, élu sportif suisse de l'année, vous partagez votre vie avec un top modèle, comment trouvez-vous encore la motivation de vous faire mal en course?
Mais parce que je suis toujours en phase de construction. Bien sûr que j'adore tout ce que j'ai déjà vécu, mais cela, c'est pour plus tard, quand je serai vieux, dans mon fauteuil, et que je me dirai: «Ouah, tu as fait tout cela dans ta vie!» Mais il se trouve que j'ai encore beaucoup de buts dans la vie.
Comme?
Gagner en 250, bien sûr. Puis passer en MotoGP... et ne pas s'y contenter de places d'honneur.
L'argent, dans tout cela?
L'argent est important, mais je n'en ai pas assez actuellement pour me focaliser sur cela.
Si un jour vous êtes riche?
J'ai un rêve. Mais pour le vivre, il faudra être en MotoGP et rouler devant.
Ce rêve?
L'indépendance économique. Me dire qu'à la fin de ma carrière, je ne serai pas obligé de trouver une place dans une usine pour vivre.
Ce sera alors le moment de prendre un appartement à Monaco?
Pourquoi? Ce n'est pas un thème dans mon esprit. Je ne comprends pas pourquoi autant de pilotes, même des jeunes de ma génération, s'installent à la première occasion en Principauté. (Sourire...) Mais il est aussi vrai que je ne sais pas combien ils gagnent!
Vous restez donc un contribuable comme un autre, à Linden?
Oui. Et si un jour, j'ai de l'argent, je m'offrirai une belle maison, dans un endroit joli, près d'un lac. Car il me faut de l'eau, c'est dans ces conditions que je me sens le mieux.
Bravo pour l'eau. Mais dans les airs, quand vous voyagez, vous faites comment pour supporter ces heures à ne rien faire?
J'ai besoin de musique dans les oreilles, toujours.
Et vous écoutez?
De tout, avec une préférence: Linkin Park, un groupe de rock californien que j'ai déjà vu en live à deux reprises, à Bâle et à Zurich. C'est géant.
Son secret: la batterie!
Tom est, sur le plan musical, un fan de Linkin Park. Est-il totalement rock and roll? «Allez, je vous confie un secret: depuis cet hiver, j'ai une batterie à la cave, cadeau d'un ami. Et j'essaie d'y jouer. Pour la coordination des mouvements, c'est parfait.» Et... le résultat? «Je ne suis pas encore assez bon pour remplacer Rob Bourdon au sein de Linkin Park... Le problème, c'est toujours le manque de temps: j'aimerais bien suivre des cours régulièrement, mais c'est impossible. Alors, j'ai essayé une méthode nouvelle, proposée sur un DVD. Et...» Et? «Ce n'est pas très efficace!»
Tom a raté son coup
Raté! Et fâché contre lui-même, Thomas Lüthi: ce soir, à 19h15, l'ancien champion du monde 125 cm3 ne s'élancera que de la deuxième ligne de la grille de départ du premier GP de la saison, à Doha (Qatar).
Cinquième vendredi, Tom a perdu deux places la nuit dernière, butant comme la veille sur le mur des 2 minutes au tour. Résultat: la grogne juste après les qualifications, et cette tête qu'il secoue dans tous les sens, la preuve qu'il ne comprend pas bien ce qui lui est arrivé.
Quelques minutes plus tôt, Tom a même failli être victime d'une collision, lorsqu'il a dû ralentir au milieu de la piste: «Une journée à oublier», dira-t-il. Ce soir, face à l'armada espagnol - Lorenzo n'est plus là, lui qui a signé la pole en MotoGP, mais son successeur Alex Debón n'est pas mal non plus -, Tom aura fort à faire. Ce qui est normal pour un prétendant au titre!