Une moto, une poignée de connards et un après-midi gâché

Cette histoire n'a, dans le fond, qu'un intérêt très limité, mais je me dis que si je m'y prends bien, elle sera racontée au coin du feu, et en prime ça permettra p'têt à certains de pas se mettre au tas pratiquement à l'arrêt.

Il y a 3 semaines de cela, dernier ouikend de libre avant 3 semaines, il fait beau (pour l'instant), je suis chargé comme un âne pour 3 jours de folie avant d'entrer en caserne (Bagster plein à craquer), c'est vendredi après-midi, j'ai congé, je suis content, il fait encore beau. Pas méfiant, je monte sur la moto, et je commence à reculer pour la sortir de sa place (coup de bol, il y a un mur à 5 cm de la roue avant, je ne peux donc que reculer) : ça coince. "Normal, me dis-je, la dernière fois que j'ai roulé, il pleuvait, les disques de freins sont sans doute un peu collés". Je donne donc un petit coup de reins pour reculer la moto et... crac !

Crac?

"Ca, c'est pas les disques de freins", suputais-je, dans mon immense sagesse. Je jette un coup d'oeil à la roue, et là, que vois-je? un cadenas. Dans un trou du disque de frein. Et un morceau de plastique cassé, à l'origine du bruit de casse. Rien de grave.

Je suis, à ce moment-là, incroyablement zen. Je téléphone à tous mes potes dans l'espoir de trouver une pince monseigneur ou un meule, mais point n'en trouve : je suis baisé, mais pas comme j'aime.

Direction les flics : "Ha ben... c'est pas d'bol... Faut trouver un garage qui vous prêtera une pince. Et bon après-midi, Monsieur". Consternation. Début de colère (il faut 25 degrés, je me traine à pied, en combi cuir, un énorme sac à une main, le casque dans l'autre, depuis 30 minutes). Après 3 garages qui n'ont pas de pince, un quatrième m'offre tout à fait à contre coeur de m'en prêter une (le patron m'a envoyé chier 2 fois, mais un employé a fait le forcing pour qu'il accepte de me prêter la précieuse pince). Le moral remonte en flèche.

Retour à pied (25 minutes), deux coups de pinces : rien. Je n'ai pas entamé le métal. J'aurais sans doute pu découper la moto en deux avec cette pince, mais la cadenas n'a pas bronché d'un poil. La frustration monte d'un cran. Je retourne à pied remercier le patron du garage. Le moral est retombé. Bas. Je transpire comme un sumo dans un sauna, c'est l'enfer dans mes bottes et le ciel se couvre.

A ce moment-là, ça m'a déjà pris 1h30.

Déespéré, j'appelle mon assurance et j'explique qu'un sagouin à planté un cadenas sur ma moto. Je dois expliquer 2 fois l'histoire pour que la miss (très sympa, au demeurant) comprenne que non, je n'ai pas perdu la clef. Elle m'explique que d'habitude, quand on les appelle, y'aun problème avec le véhicule, je lui fais remarquer que l'air de rien, c'est tout de même un peu le cas, elle rigole encore un petit coup, me met en attente 10 minutes et me trouve un dépanneur.

Trente-cinq minutes plus tard (vendredi, 15h45, ça tient du miracle), le mec arrive. "Laissez-moi résumer, que je comprenne bien : vous êtes le propriétaire de la moto, mais pas du cadenas?". Dans le mille. Il rigole un petit coup en voyant le cadenas. C'est la dernière fois qu'il rigole : une heure après, c'était plus marrant du tout.

Après avoir percé la serrure et scié une partie du corps du cadenas pour faire gicler les sécurités, le tour est joué. Il aura quand même fallu 60 minutes. Il est 17h. Il pleut. J'ai une heure demie de route devant moi pour rejoindre mon point de ralliement, mais je m'en tape, j'en ai vue d'autre.

Contact. Vroup. Crrrrrrrrrrrrrrr...

Contact coupé, decendage de la moto, jettage de coup d'oeil au disque de frein : évidemment, le trou dans lequel était placé le cadenas est tout salopé et part "en chou-fleur", et ça gratte les plaquettes en passant. J'ai pas 36 solutions : direction le concessionnaire, à une quarantaine de km. J'ai le secret espoir qu'en freinant très doucement, ça repliera le métal en dedans... Je teste, à 0,5 km/h KRRRRkRKRkRKRKRaaaaaakkkR... OK. Je le referai pas, c'est promis.

Quarante km sous la pluie, donc, et sans frein avant. J'arrive au garage à 17h55, un vendredi où la moitié des gens fait le pont, je me prépare psychologiquement à m'enfoncer encore un poil plus dans la dépression. Et là, comme un miracle, tout glisse : je raconte mon histoire au patron (deux fois, parce que la première fois tout le monde croit que je suis assez con pour perdre la clef du cadenas... évidemment...) et il se lance directement dans une inspection minutieuse, rapide et efficace du disque. Un coup de meule pour redonner au trou défoncé un aspect correct (le mec qui s'aventure dans une blague salace ferait mieux de penser à ce qu'il fait ), contrôle du disque histoire de vérifier qu'il n'est pas voilé, petit tour avec la brêle pour s'assurer que ça roule, une poignée de main et l'affaire est réglée.

J'étais devant ma moto à 13h30, il doit être environ 18h30. Il faisait beau, il pleut. J'étais content, je le suis moyennement et j’ai des cloques aux deux talons (les bottes de moto, c’est pas fait pour marcher pendant 3 heures, maintenant c’est prouvé).

Au-delà de la simple anecdote qui m’attirera la sympathie des plus endurcis d’entre vous, quelques remarques en vrac :

- Tout le monde le sait, mais pas grand monde ne le fait (du moins pas systématiquement) : un rapide contrôle de la moto avant de partir ne coûte pas grand-chose et m’aurait évité de péter un bout de carénage avant. A l’arrivée, je m’en tire bien : si la place avait été libre à l’avant, j’étais par terre, avec un sabot de frein défoncé, une fourche peut-être pliée, et une moto râpée.

- Il y avait un cadenas (pas fermé) sur la moto à côté de la mienne (je l’ai évidemment ôté), ce qui me fait penser que l’acte n’était pas directement dirigé contre moi, et qu’il s’agit juste d’une mauvaise blague (les cadenas étaient vieux, probablement trouvé par terre dans le parc à vélo tout proche). J’ai pensé un moment que le but était d’immobiliser la moto pour revenir la faucher peinard ensuite, mais à mon avis, c’est de la parano.
- Tout de même, la connerie de certains relève de la créativité.

- Je n’habite même pas Genève

Sur ces belles paroles, je rends l’antenne, et merci à ceux qui auront eu le courage de lire tout ça !