La parenthèse à Fred - La galaxie moto ...

J’ai 14 ans et j’observe avec une envie teintée d’angoisse – en m’imaginant à leurs places – deux de mes camarades chevaucher une Yamaha DT 50 et un Dax, moteur hurlant ou plus exactement bourdonnant de rage comme une nuée de guêpes affolées.

L’agilité avec laquelle ils menaient leur vaisseau urbain était fascinante, et de toute évidence attirait l’attention des jeunes filles. Moi qui pédalais pour faire se mouvoir des mécaniques nées au 19e siècle, et ce pour encore bien des années, j’avais déjà bien compris que ces gars là faisaient partie d’un univers qui allait me télescoper de plein fouet.

Mes agitations gymnastiques pour manger du bitume me rendaient ridicule face à ces héros: la moto défendait la liberté et celle-ci augmentait durablement le charme des pilotes.

Les filles se pâmaient et tout le monde était finalement à sa place : les nanas s’appropriaient les bustes orgueilleux de chevaliers culassés, moi je pédalais seul sur mon cadre, le porte panier n’aurait pas supporté la groupie, qui ne s’y voyait de toute façon pas.

C’est avec ce tatouage culturel que j’ai abordé le permis moto à 42 ans. Une première BMW pour me faire la main, une brave 1150 Rt, j’étais heureux, un bonheur rattrapé sur le dos de mon enfance, mais un bonheur qui devait supporter le sens unique d’un passé sans code deux roues, sans référence. Bref j’étais un nouveau motard, à des années lumière des manières entendues de s’occuper les neurones sur le sujet, largué.

Puis le vent s’est levé, celui qui porte les messages divins…… J’ai découvert qu’une partie du monde de l’équilibre motorisé s’évadait, ni vu ni connu,  et se réinventait, que les femmes se rêvaient en selle, que la vitesse décédée sur l’hôtel de la loi laissait enfin de la place à la sensualité, que les bécanes se déshabillaient et changeaient leur garde robe et qu’un tas de petits génies bossaient sur une idée sacrément simple: nous avons envie de retrouver un essentiel, sur la route mais aussi et surtout dans nos vies. Puis Euréka porta le coup fatal, c’est la street culture qui allait indiquer la direction, celle du sport et des arts en particulier.

Des Préparateurs ombrageux ont ressorti les pétoires qui ronflaient sous le foin des granges pour les décapsuler, leur virer toutes étiquettes, effacer leur statut.

Grace à eux la moto est passée dans l’univers des surfeurs, des montagnards, piolets en bandoulière ou portes planches sur le coté d’un bon moteur Kawa des 70’, cadres dépouillés offrant un nu provoquant, allure négligée, du charme, que du charme…. Ce qui était un clan devint une société de gens, ce qui était un mode de vie devint un mouvement de vie…..  Et ça…. Ça donne du sens.

Voilà le temps des Cafés Racer effrontés, des Trackers bienveillants et toujours espiègles, des Bobbers enrobés, de la légèreté du lent qui résonne sous le séant.

Les beaux habits retrouvent le chemin du vent, nos potes pilotes sont devenus des amies, le paysage redevient visible et, magie du genre, la moto n’est plus une fin en soi, plutôt une sorte de panier picnic gourmand que l’on trimbale tout temps avec soi pour partager un moment inoubliable avec n’importe qui, pourvu que la recette soit savoureuse.

Aujourd’hui j’ai 47 ans, je ne connaitrais jamais l’ivresse du seul contre tous sur la corde, mais je ne connaitrais jamais non plus ce qui est arrivé, le casque Bluetooth, le gilet fluo et le blouson de gladiateur. Avec tout ce remue-ménage finalement, la bécane est redevenue subversive, on roule ouvert, un foulard autour du crâne, un cuir rappé, des chaussures patinées, des vraies, pas des bottes de policiers anti émeutes, les moteurs on trouvé leur symphonie, on les écoute, même ma voisine sourit lorsque ma Harley ronronne bruyamment son bonheur, alors si en plus je donne du plaisir à mon prochain…

Finalement c’est moi qui ai dessiné la vie de ma machine, comme je dessine ma vie, et je me réjouis chaque instant de rencontrer des dessinateurs toujours plus nombreux, incroyablement plus nombreuses devrais je dire… 

Ce que l’on appelle rouler Old School, ben finalement c’est la New School.

Fred,

www.calytoe.ch 

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